Essai Honda CRF1000L Africa Twin - Le retour de la légende
Texte de Gonzo / Photo(s) de David Reygondeau, Fabrice BerryMOTO HONDA ROUTIÈRE TOUT-TERRAIN
Quand on pense à l’Africa Twin, on imagine directement celle qui a marqué les esprits dans la fin des années 80 - début 90. Cette moto, robuste, capable de passer partout et surtout d’une fiabilité à toute épreuve, fait son grand retour. Si son appellation reste identique, toute la moto a été revue. Révélée au salon EICMA de Milan, nous avons essayé la Honda CRF1000L Africa Twin, en Corse, pour vous.
Avant tout, l’Africa Twin, c’est un trail, pour ne pas dire LE trail. Garde au sol importante, maniable, avec un moteur coupleux, capable d’avaler les kilomètres sur n’importe quel genre de terrain. Honda avait parfaitement maîtrisé le sujet en 1988 en sortant la première Africa Twin, directement dérivée du prototype NXR750, lequel remportait le Dakar.
Face à l’arrivée des maxi-trails, Honda a cessé la production de son modèle en 2003. C’est donc treize ans plus tard que la firme japonaise reprend la même recette d’alors, avec les ingrédients actuels afin de relancer le trail authentique.
La base moteur de la moto n’est autre que celui de l’excellente CRF250/450... comme en 1988 ! Mais le pari est cette fois bien plus osé puisqu’en baptisant son nouveau modèle avec la même appellation que l’ancienne référence, Honda place la barre haut, très haut même. Pour rappel, ce ne sont pas moins de 75'000 exemplaires de l’Africa Twin qui ont été vendus en Europe entre 1988 et 2003 !
Le but était de revenir aux basiques du trail, plus ou moins disparus depuis l’arrivée des maxi-trails, plus puissants, mais aussi beaucoup plus lourds. La marque ailée a donc cessé cette course à la puissance et s’est concentrée sur les fondamentaux. De grands débattements, une garde au sol suffisante pour sortir des sentiers battus sans être pénalisant au jour le jour (250 mm), un moteur coupleux, des suspensions entièrement réglables et, notre époque oblige, un peu d’électronique. Mais juste ce qu’il faut pour ne pas avoir l’impression de conduire une Playstation. Dès lors, la CRF1000L est munie d’un ABS déconnectable à l’arrière, d’un contrôle du couple (HSTC pour Honda Selectable Torque Control) réglable sur quatre niveaux d’intervention et, si votre choix se porte sur cette option, du DCT (boîte à vitesse semi-automatique), à laquelle quatre modes de conduite sont attribués. Le petit plus de l’Africa Twin dans sa version DCT, c’est le mode "Gravel", ou gravier pour les francophones. D’une simple pression sur le bouton adéquat, la moto gère le frein-moteur et la traction est améliorée lorsque l’on sort des sentiers battus.
La version DCT de l’Africa Twin étant une "boîte automatique", le levier d’embrayage a disparu. En revanche, un levier a été placé à cet endroit, pour faire office de frein de parking. Mais rassurez-vous, il est placé suffisamment loin de la poignée pour qu’une saisie accidentelle de ce levier ne se fasse pas en roulant.
Un autre point important pour que la nouvelle CRF1000L colle à l’image de son aînée : il fallait impérativement qu’elle soit polyvalente. Que ce soit en ville, sur autoroute, sur une route de campagne ou en off-road, l’Africa Twin sait tirer son épingle du jeu. Et avec un argument qui a son importance. La consommation du trail avoisine les 5l/100km. Avec un réservoir de plus de 18 litres, cela fait un peu moins de 400 km à parcourir avec un plein, belle performance !
En selle !
Avant de monter sur la belle Honda, on peut régler la hauteur de selle en moins de deux minutes. Il en va de même pour les suspensions et amortisseurs, lesquels sont réglables dans tous les sens... Ça promet !Sur la moto, toutes les commandes tombent parfaitement sous la main. Et dès les premiers tours de roues, plus aucun doute n’est possible, on est bien sur une Honda. Tout est facile et la prise en main est immédiate. On a l’impression de conduire cette moto depuis des années. Elle est si maniable que c’en est presque déconcertant.
Dès le début de notre essai, nous avons traversé la ville d’Ajaccio, ce qui nous a permis de voir que la jungle urbaine n’effraie nullement la CRF1000L. Son rayon de braquage, sa maniabilité hors pair et son moteur en font une moto tout a fait capable de se distinguer en ville. Contrairement à ma crainte, se faufiler entre les voitures est un jeu d’enfant avec cette moto.
Si votre choix se porte sur la version DCT, activez le mode "D" pour ce genre de trajet. La réponse des gaz est alors beaucoup plus douce, mais également beaucoup plus économique. C’est le mode de conduite qui vous permettra de consommer le moins d’essence. Pour vous donner un ordre d’idée, nous sommes descendus en deçà de la barre des 5 litres au 100. Intéressant donc.
Viennent ensuite les routes corses. Belles, mais surtout sinueuses, très sinueuses. Bien que notre essai se soit principalement déroulé sous la pluie, la capacité de la belle à augmenter le rythme s’est montré évident. La partie-cycle s’est révélée saine, au point qu’on se sentirait rapidement à même de mettre plus d’angle, de freiner plus fort et de ré-accélérer plus tôt. Et cette conduite plus sportive a permis de révéler quelques points :
Le freinage de la Honda est proche de la perfection. Le mordant est au top. Couplé à l’ABS, le tout est ultra rassurant. On peut serrer le levier puissamment sans craindre de bloquer la roue avant. Le feeling apporté par l’ensemble est vraiment idéal pour ce genre de machine.
En courbe, ou en virage, l’Africa Twin s’est montré d’une stabilité très agréable. Les suspensions travaillent remarquablement bien et gomment les imperfections de la route sans jamais donner une impression de flottement. Le fait d’avoir une roue avant au diamètre supérieur à celui de la roue arrière demande une petite adaptation de la conduite, sans quoi les élargissements de trajectoires seront monnaie courante, tout du moins à un rythme soutenu. Mais une fois que l’on a compris le "truc", on peut avaler les kilomètres en toute sérénité. Et le plaisir est au rendez-vous, croyez moi !
Le moteur de la Honda permet beaucoup de choses. Sur ces routes sinueuses, on peut se permettre de prendre un virage en sous-régime. Le couple de la machine vous sortira de n’importe quelle courbe sans trop de soucis. Et lorsque l’on se trouve sur le bon régime, il suffit d’essorer la poignée des gaz pour se catapulter d’un virage à l’autre. En prime, jouer avec l’embrayage en sortie de courbe vous fera lever assez aisément la roue avant. Sous la pluie corse, mes excès d’optimisme en sortie de courbe ont tous été balayés par l’électronique. Le contrôle de traction sur son niveau le plus interventionniste ne laissera ma roue arrière glisser sur le bitume mouillé que sur quelques centimètres. Réglable sur quatre niveaux, ce contrôle de traction sait se faire oublier tout en étant rassurant dans les situations délicates.
Dans sa version DCT, peu de choses changent. Evidemment on ne se soucie plus de l’embrayage, ni du passage de vitesse. Toutefois, on peut, d’une simple pression s’amuser à prendre la main sur la boîte électronique et changer ses vitesses via le commodo adéquat au guidon. Pour les plus nostalgiques, il est également possible d’ajouter un levier de changement de vitesse au pied. Evidemment, il s’agit là d’une option parmi tant d’autres. Mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard.
Si en ville, le mode "D" est conseillé pour les raisons précisées plus haut, le mode "S" sera bien plus en adéquation pour une balade, d’autant plus qu’il est paramétrable sur trois niveaux, en fonction du moment auquel on préfère que le rapport de vitesse soit passé. La vitesse passe toujours au bon moment, et avec une fluidité remarquable.
L’île de beauté regorgeant de superbes routes nous avons ensuite été amenés à tester la Honda CRF1000L Africa Twin sur son terrain de jeu : l'off-road.
Pour être honnête, je voyais la belle trop grosse et trop lourde pour s’engager correctement sur les sentiers corses. Mais comme en ville, les plus de 230 kg se manient plus facilement que bien des motos. Les qualités dynamiques de l’Africa Twin se sont révélées exceptionnelles.
Arrivés sur la terre, il nous a été conseillé de baisser le contrôle de traction au minimum, voire, pour les plus à l’aise dans ces conditions, de le désactiver.
Là, on se lève naturellement sur les cale-pieds, la position est instinctive et les appuis excellents. Le haut guidon est parfaitement surélevé et changer de direction est tout bonnement facile. La traction offerte par la Honda est idéale, et ce, même avec les pneus d’origine. On commence doucement, on cherche les limites de l’adhérence, celles de la machine. Mais elles ne viennent pas, alors on augmente la cadence.
Et là, c’est du bonheur en barre. On fait chasser l’arrière de la moto dans tous les virages et le contrôle de traction, réglé au minimum empêche la dérive fatale. On sent l’arrière se dérober sans avoir peur de ne pas être capable de récupérer. Sortie de virage, on accélère encore plus fort. On sent la moto chercher le grip, les 100 chevaux respirent et nous tirent sur les bras. Le virage suivant arrive, un peu (trop) vite. Il faut freiner mais sur ce mélange de terre et de sable, on pourrait avoir peur de croiser les skis et perdre l’avant. L’ABS de la roue avant est magistral. Puissant, sans bloquer la roue même dans ces conditions, il ralentit la moto de la meilleure des manières. Et pour augmenter le plaisir, on caresse la pédale de frein. La dérive de l’arrière recommence et le sourire sous le casque s’accentue.
En version DCT, c’est une révélation. Les premières manipulation électroniques sont les mêmes que pour la version mécanique. On se met sur le mode "S" mais surtout, on appuie sur le point G pour un plaisir décuplé. J’imagine vos sourires en lisant cette dernière phrase et votre concentration s’effacer. Soyons donc clairs, je ne parle pas d’anatomie mais de moto. Le "bouton G", qui n’existe que sur la version automatique signifie "Gravel" (gravier en anglais). La gestion du frein-moteur est adaptée à la conduite en off-road et permet de se lancer dans les descentes avec une sérénité déconcertante. Comment ? C’est en fait un système qui limite la durée de glissement de l’embrayage entre les changements de rapports.
Ensuite, pour les moins expérimentés, cette version permet de se concentrer sur le pilotage et de laisser la problématique des (nombreux) changements de vitesse au placard.
Mais rassurez-vous, si vous êtes un coutumier des chemins de terre, cette version vous facilitera également la tâche.
Afin de nous montrer un autre aspect de la moto, elle nous a également été confiée avec une monte pneumatique plus adaptée à la conduite en tout-terrain. Honnêtement, la différence n’est pas immense. Evidement, le grip est bien meilleur, on ose pencher la moto et remettre les gaz plus tôt et plus agressivement. Mais le comportement général de la moto reste le même.
Avant de terminer cet essai, il nous a fallu rejoindre l’hôtel par la route. Même si ce n’était pas encore parfait, l’asphalte avait commencé à sécher et nous avons pu apprécier le comportement de la moto quand on veut "souder" un peu plus. Si tout à été dit au début de l’article, il faut juste préciser que d’attaquer sur le sec avec l’Africa Twin est un pur bonheur.
Alors, la Honda CRF1000L Africa Twin, avec ou sans le DCT ?
Certains diront que la version DCT permet de rouler plus sereinement, sans se soucier devoir penser à être sur le bon rapport. D’autres, plus nostalgiques, préféreront la version mécanique. Pour ma part, j’ai adoré le DCT en condition off-road mais j’ai préféré la version mécanique sur la route. Cela permet surtout de garder le côté joueur de n’importe quelle moto, car sans embrayage, lever l’avant ou déclencher une glisse n’est plus possible. Mais ce DTC est bluffant d’efficacité et pour CHF 1'000.- de plus à l’achat, il y a matière à réfléchir.Le DCT n’étant pas la seule option possible sur cette moto, il est intéressant de préciser que la marque ailée a également prévu des renforts et des antibrouillards vraiment efficaces en cas de grand raid. Il en va de même pour les valises prévues par la marque. La capacité d’emport est juste phénoménale avec les trois valises, même si, à mon goût, cela alourdit passablement la ligne de la belle Africa Twin.
Alors, Honda a-t-il réussi le pari de la nouvelle Africa Twin ?
Seul le futur nous le dira, mais il est évident que cette nouvelle machine reprend les qualités de son aînée, la puissance et l’électronique en plus. Si je devais qualifier cette moto succinctement, je dirais qu’elle est bluffante. Et sur tous les terrains !
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