vendredi 29 janvier 2016

Essai - Motoplanète

http://www.motoplanete.com/honda/5455/CRF-1000-L-AFRICA-TWIN-2016/essai.html



Encore un essai en Corse

Le retour du vrai trail !

Par Seb De Malfin

Il y a des noms qui inspirent le respect,
Certains qui nous rappellent des légendes d’un temps passé,
D’autres qui nous plongent dans des rêves de voyage sous d’autres latitudes.
Et puis il y a ceux qui subjuguent tout ça dans un mélange empreint de nostalgie, d’envie, et d’espoir.

L’AFRICA TWIN en est.

            Disparue du catalogue Honda depuis 13ans, la baroudeuse japonaise nous revient en 2016 avec l’ambition de reprendre son statut de championne incontestée des gros trails polyvalent. Dans une catégorie ultra concurrentielle où les références du genre se sont  confortablement installées, la tâche peut sembler ardue.

Voici donc la CRF1000L AfricaTwin, héritière directe de la mythique XRV 750 AfricaTwin.
Itinéraire d'une enfant douée.
            Commercialisée en 1988, la première AfricaTwin (XRV650 AfricaTwin) était la version ‘tout public’ de la XRV650, reine d’un Dakar vivant ces heures de gloire. En 1990, son bicylindre en V  gagne en cylindrée et en chevaux. Dénommée XRV750, la ‘Fille du désert’ prendra sa retraite en 2003 après plus d'une décennie de bons et loyaux services.


La Honda NRX750 Africa Twin 1990


13ans de commercialisation pour 13ans d’absence. Le come-back tant espérée de l’AfricaTwin s’ouvre aujourd’hui sous ce numéro qui lui portera peut-être bonheur.

De retour avec cette même volonté d’offrir une polyvalence à toute épreuve, la CRF1000L AfricaTwin se veut de conception simple bien qu’équipée de série de l’ABS et d’un contrôle de traction à 3 niveaux. Elle fait également un pari osé : Celui de s’équiper en option d’une version revue et corrigée de la boite robotisée made in Honda, la fameuse DCT (Dual Clutch Transmission) et surtout d’agrémenter celle-ci d’un audacieux mode tout-terrain. Muée par un twin parallèle de 998cm3 et n’affichant ‘que’  95cv sur le papier, elle prend à contre-pied les maxi-trails modernes et leur course effrénée à toujours plus de puissance et d’électronique.

Le retour de la Légende est-il à la hauteur des attentes ? On l’a testé. Verdict.

L’enquête Corse :
            7h45 sur la baie d’Ajaccio. La journée s’annonce belle et seule un bitume gras et humide affiche les stigmates des longues averses de la nuit. La fraicheur matinale promet de rapidement laisser place à des températures plus clémentes. Bref. Les conditions sont idéales pour une petite virée le long des côtes corses et, pourquoi pas, quelques tours de roues dans le maquis...

La voilà, ma compagne pour la journée.



Le premier contact est visuel. Haute et longue comme un jour sans moto, l’Africa Twin intimide et semble fraichement débarquée d’un cargo de retour du Dakar 2016. Tout y est : les jantes à rayons, les pneus fins, la fourche interminable,  la garde au sol de 250mm, les larges disques, les protège-mains et le pare-carter en aluminium.  L’allure générale respecte l’ADN de la version originelle. Une filiation encore plus marquée sur les coloris Replica Rally et Tricolore.

L’absence de ce  ‘bec  de canard’ si typique des trails modernes nous prévient que la machine veut tailler un autre chemin. Il en ressort une impression de robustesse et de simplicité du meilleur acabit.
Je continue mon tour du propriétaire. Impressionnante par son gabarit, l’AT affiche sur le papier un poids de 232kg (242kg pour la version DCT) ce qui peut laisser songeur quant à ses capacités off-road… Mais là où la baroudeuse se rattrape, c’est dans sa finesse, optimisée au maximum par différents choix techniques.



Le premier et non le moindre, est celui de la motorisation. Bye Bye le V-Twin des premières Africa. La version 2016 se voit greffer un tout nouveau bi-cylindre en ligne de 998cm pour plus de compacité et de légèreté. Cette quête d’équilibre générale, se traduit également par des solutions technologiques  astucieuses (distribution UNICAM dérivée de cross CRF250R et CRF450R, pompe à eau intégrée dans le carter d’embrayage, pompe à huile dans la partie basse des carters, cadre acier inspiré des CRF 450 Rally). Ces choix permettent à la moto d’être relativement fine et d’offrir une garde au sol suffisante pour s’affranchir des obstacles.

Le carénage avant est très court et joue la simplicité. Seul un aspect texturé sur les parties noires des joues dénote. Les deux optiques avant sonnent comme un hommage aux premières AfricaTwin et donne à ce modèle 2016 un regard franc et intimidant. Signe que l’AT conjugue néanmoins avec l’ère du temps : l’éclairage complet full-LED et l’instrumentation entièrement numérique. Les clignotants, eux, font office de feux de jour.



Au bout des suspensions Showa entièrement réglables, les jantes de 21 et 18 pouces à rayons ne sont, hélas, pas tubeless. Un ‘oubli’ certainement justifié par des contraintes de coûts. Les pneus fins trahissent son appétit pour le off-road  tandis que pour l’avant, deux disques dentelles de 310mm seront freinés par des étriers radiaux NISSIN à 4 pistons. A l’arrière un seul disque de 256mm sera à la manœuvre (1 piston).

En poursuivant ma ballade oculaire je tombe sur le silencieux arrière, massif et imposant, il s’intègre plutôt bien à la ligne générale même si je le trouve un peu ‘too much’. Mais attendez…. un truc me turlupine… Cet échappement à doubles sortie et embouts carrés… ca me parle….  Mais oui ! On croirait ce dernier  directement dérivé de celui de la reine teutonne de la catégorie : la BMW R1200GS ! Simple hasard ou clin d’œil d’avertissement sur sa volonté de bousculer les références ? L'avenir nous le dira…

Je baisse les yeux et constate avec étonnement l’absence de béquille centrale. Choix surprenant sur ce type de moto, qui plus est équipée d’une transmission à chaine. On expliquera probablement son absence par un gain de poids et de garde au sol mais à 224€ l’option, il y a de quoi grincer des dents…



Passé ces états d’âme, reste une moto à la finition quasi impeccable. Les soudures sont propres et les câblages très bien dissimulés. Autant de soin pour une moto destinée à manger de la poussière, c’est plutôt bon signe. Allez, on va être un peu chicaneur : on regrettera que les caoutchoucs des repose-pieds arrières soient proposé en option (+99€ !). Mais malgré ça le passager sera bien installé et pourra se tenir fermement à de larges poignées arrière. On applaudira également le fait que la machine soit pré-équipée en supports de valises.

En selle
            J’enfile mon casque et chevauche la meule. Réglée en position haute (870mm), la selle accueille plus facilement qu’attendu mon mètre 80. En dessous, de ce seuil, le passage en position basse (850mm) sera nécessaire. Ce réglage s’avère plutôt facile sitôt que vous ayez bien compris comment effectuer la manip’. Si Dame Nature vous a placé en dessous du mètre 70, l’acquisition d’une selle basse (-30mm/origine) sera nécessaire pour se sentir suffisamment à l’aise. Idem pour les plus grands d’entre nous qui devront opter pour la selle haute (+30mm). Ces options (224€) permettent donc une amplitude de 820mm à 900mm, de quoi contenter a peu près tous les gabarits. L’assise me parait ferme mais très confortable. Un sentiment qui sera confirmé par la suite.

Les réglages et les selles optionnelles permettent une amplitude de 820mm à 900mm.

Coup d’œil sur l’instrumentation. Un imposant compteur 100% numérique inspiré des machines de rallye se paye une belle place au milieu du guidon. Sa ‘verticalité’ peut en déstabiliser plus d’un mais finalement, il s’avère assez lisible (sauf le compte-tours).



Affiche vertical façon rallye raid. Très complet et qui supporte bien le soleil dans le dos du pilote.

Ultra complet, il propose les habituelles fonctions de trip, conso moyenne et instantanée, etc…. On y trouve également un ‘gros’ indicateur de rapport engagé qui permet de contrôler où en est la boite en auto. Globalement, malgré une foule d’infos impliquée par les différents réglages DCT et traction contrôle, on s’y retrouve assez facilement et la navigation est très intuitive.

J’observe le guidon, un peu perplexe. Il  faut quelques instants pour assimiler les particularités de la version DCT. Exit la poignée d’embrayage. Celle-ci est remplacée par un levier contrôlant le frein de parking. (Bonne idée pour caler les 242 kg de cette version dans les pentes !) Aucun risque cependant d’actionner ce frein par erreur en roulant, celui-ci étant suffisamment écarté.
Ce guidon accueille des commodos soignés.



A gauche : les boutons + et – pour le passage des rapports en mode ‘manuel’ ainsi qu’une gâchette réglant l’intensité du contrôle de traction HSTC (Honda Selectable Torque Control) à 4 niveaux proposé de série (1, 2, 3, arrêt). Le positionnement et la taille du bouton de klaxon, juste au-dessus des clignos, est le gage de quelques déclenchements intempestifs lors de changement de direction…



A droite : le bouton de sélection des différents modes de la boite DCT (D, S1, S2, S3) sur lesquelles nous reviendrons plus tard, le commutateur Auto/Manuel ainsi que les ‘warning’.

Enfin, le tableau de bord intègre deux gros boutons carrés assez moches et basiques et destinés à l’utilisation off-road : un pour désactiver l’ABS à l’arrière, l’autre pour passer la boite DCT en Mode G comme ‘Gravel’ (gravier). A l’inverse des autres réglages, ceux-ci ne sont activables/désactivables qu’à l’arrêt (justifiant leur position excentrée)
Je cherche, je cherche, mais je ne trouve rien qui ressemble à une prise 12V. Stupéfaction ! (oui, oui !) son absence est impardonnable pour une machine censée nous porter à l’autre bout du monde et logiquement destinée à s’équiper d’un GPS !  Un ‘oubli’ que la somme de 72€ (aïe !!) et un passage par le catalogue accessoires corrigera…

Je débéquille et redresse la moto. "Ah ouais…, on les sent bien les 242kg…"
Je prends le large guidon en main. De part sa hauteur et son envergure, il permet au pilote de garder le buste bien droit et offre un très impressionnant angle de braquage de 43°C (un peu plus de 5 mètres en rayon). De quoi facilement se sortir de la cohue urbaine. Ça tombe bien, c’est l’heure de pointe à Ajaccio.

 Contact !

            Le bicylindre en ligne prend vie dans une sonorité plutôt douce. L’équilibrage moteur et les trois  balanciers font bien leur boulot (en dehors des ‘pulsations’ du twin, on ne ressent pas de vibrations parasites). Allez gazz. BRRROOOAAAARRFFFF!!!  Le moteur râle dans un joli bruit métallique rappelant certain monocylindre. Mais la brelle ne bouge pas… « Et oui petit. Boite auto, certes. Mais t’es pas sur un scoot’ !! » me dis-je…. L’enclenchement du premier rapport se fait par une pression sur le bouton D. J’appuie. C’est parti.
Si la machine pèse son poids moteur coupé, passé 10km/h, la magie Honda opère grâce à un équilibre général ‘aux petits oignons’ et à la taille de guêpe de sa moto.  Dos droit, jambes bien positionnées et épousant parfaitement le réservoir, mains écartées mais pas trop… on se sent tout de suite à la maison, vérifiant une fois de plus l’aptitude du constructeur japonais à créer des machines à la prise en main facile.

Africa Street Twin
            Je m’engage sereinement dans le trafic. Haute sur patte avec ses 230 mm de débattement  à l'avant et 220 mm à l'arrière, l'AfricaTwin domine le chaland à 4 roues. « Tiens, les pares-mains passent au-dessus des rétros de bagnoles », un détail pas si anodin que ça…
Premier feu rouge. Premier feu vert, et  première occasion de tester cette fameuse boite DCT.  Je tente une petite accélération. La moto réagit avec douceur et m’emmène 150 mètres plus loin contre un autre feu tricolore. Entre temps, seul l’indicateur de rapport engagé m’aura permis de me rendre compte que les rapports 1-2-3-4-3-2-1 s’étaient enchaînés.  Aucun à-coup ni bruit parasites n’aura trahi le boulot de la boite. Impressionnant ! La première version de la boite DCT n’étant pas réputée pour être des plus discrètes, il semble que Honda ai largement progressé en la matière !
En ville, cette boite DCT est un régal et fait mieux supporter le lot incessant de freinages/démarrages. On s’accommode très vite de la conduite au seul accélérateur et l’ensemble main/pied gauche, après quelques mouvements réflexes, comprend rapidement qu’il est au chômage technique…



Par défaut, la boite se règlera sur le mode D (Drive) en vous proposant un comportement plutôt décevant. En ville, cela se traduira par des montées de rapports précoces et un régime moteur entre 2000 et 3000tr/min (on se retrouve facilement à 45km/h en 4ème). Si le moteur est souple et s’en sort assez bien à bas régime en offrant des reprises volontaires et sans à-coup, je préfère personnellement un peu plus de ‘punch’. Ce que propose les modes S (Sport).
Particularité de cette DCT nouvelle version, le mode S propose 3 sous-modes appelés S1, S2 et S3 offrant des niveaux croissant de sportivité. Je sélectionne le mode S1.  La moto s’encanaille et dévoile un autre visage, bien plus sympa.

On précise qu’il est possible d’intervenir manuellement et à tout moment sur la boite auto grâce aux boutons + et – du guidon. Une fonction qui s’avère utile si l’on souhaite tomber un rapport pour rapidement dépasser un véhicule. On a cependant constaté que le fait d’intervenir semblait faire perdre temporairement les pédales à la boite auto qui, une fois le dépassement terminé, n’osera plus monter de rapport et vous laissera flirter sans réchigner avec les 6000tr/min en ville et en mode D.

Je me faufile sans difficulté au milieu du flot de ‘travailleurs en retard‘. La chaussée est encore bien mouillée et le contrôle de traction réglé au niveau 3 (le plus intrusif) fait son job lors d’une réaccel’ sur une ligne blanche. Les suspensions (réglables manuellement en compression, détente et précharge) absorbent parfaitement les défauts de la route et encaissent fort bien les freinages. On aurait pu craindre un effet ‘cheval à bascule ‘ en raison des longues courses de ces dernières (230mm à l’avant, 220 mm à l’arrière),  mais elles offrent une résistance progressive qui gomme cette sensation.
A ce stade, les 242kg (tout pleins faits) de cette version DCT se font oublier et le moteur, bien que très linéaire en dessous de 6000 tr/min, se montre généreux. L’angle de braquage énorme, la centralisation des masses optimisée et l’agilité de la moto nous sortent de toutes les difficultés urbaines.

En route
            La voie se dégage tandis que je prends la direction des Iles Sanguinaires, laissant la ville derrière moi. L’allure s’accélère et me donne l’occasion de pouvoir tester le moteur sur une plage plus conséquente. Gros coup de gaz. La boite auto en mode S comprend qu’elle doit hausser le ton et tombe 2 rapports, permettant à la CRF1000L d’enfin montrer les muscles. J’enchaine quelques longs virages enroulés qui me mettent le sourire aux lèvres. En voilà une bonne surprise ! Alors que les 95cv pouvaient inquiéter pour une machine de ce gabarit, à l’utilisation, il n’en est rien. Le cœur de cette Africa Twin a de l’allonge et dégage un tempérament volontaire avec une certaine hargne réjouissante lorsqu’on monte suffisamment haut dans les tours. Linéaire mais délivrant une force constante en dessous de 6000tr/min, le moteur offre son meilleur entre 6000 et 8000tr/min. C’est sur cette plage qu’il faudra se placer en conduite sportive. Sur les 3 modes proposés, ma préférence ira pour la mode S2 qui sera le plus polyvalent.



Si vous trouvez encore cette boite DCT trop molle, sachez qu’il est également possible de gérer soi-même les montées et descentes de rapport en passant la boite en mode ‘manuel’. Le contrôle se fait alors par pression sur les gâchettes  + et – du commodos  gauche. Ce mode est assez fun à l’usage (il faut d’abord se faire à la totale inutilité de couper les gaz avant de monter ou descendre un rapport…) mais ne présente pas d’intérêt particulier. Notez enfin que pour les aficionados du pied gauche (ou pour les amateurs de paradoxe), un sélecteur classique au pied  est disponible en option sur cette boite robotisée. Son prix (424€) suffira à les orienter vers la version à boite mécanique...
Quoiqu’il en soit, on ne peut pas reprocher à Honda de ne pas jouer la carte de l’adaptabilité. D’ailleurs entre les modes de DCT, le contrôle de traction, le mode G et l’ABS déconnectable à l’arrière,  le pilote dispose de pas moins de 80 configurations possibles.

Facile
            Du côté de la partie cycle, cette Africa Twin retrouve l’ADN des vrais trails. Son chassis souple mais pas trop et ses suspensions progressives forment un ensemble cohérent assez stable en courbe mais forcément moins précis que les trains avant millimétrés et bourrés d’électronique des  ‘trails’ dits modernes. Malgré une mise à l’angle limitée par la faible largeur du pneu avant et l’inertie générée par la jante de 21 pouces, on plonge facilement dans les courbes et on en ressort tout aussi aisément. Les enchainements rapides ne sont pas hors de portée de cette CRF1000L qui pardonnera même certains excès d’optimisme, la moto ne redressant pas trop vite lors des freinages en courbe.  En parlant freinage justement, les deux disques dentelles de 310m à l’avant (étriers radiaux 4 pistons) et le disque arrière de 256mm (1 piston)  ne sont pas couplés mais arrêteront toujours la machine avec efficacité et progressivité.
Le seul bémol viendra des Dunlop Trailmax montés d’origine et qui ne sont visiblement pas des plus efficaces sur route mouillée.

Les présentations faites, je reprends mon périple direction le sud et m’engage sur une deux-voies bien roulante. Je repasse en mode D et trace ma route, calé en sixième (qui sert avant tout d’overdrive). Le confort de cette AfricaTwin s’illustre une nouvelle fois et on se prend à regretter l’absence de régulateur de vitesse tant le comportement sain de la moto invite à ‘cruiser’. La moto reste très stable, même à vive allure et il n’est pas rare de se faire surprendre par le rappel du compteur… (la moto plafonne au-delà de 230km/h). La bulle, elle, n’est pas réglable. Elle a beau être plutôt efficace, on ne peut que s’étonner de ce choix qui va à l’encontre de sa vocation de voyageuse.  Les très grands devront donc s’équiper de la bulle haute optionnelle (159€).

Quelques dizaines de kilomètres plus tard, je quitte les grandes avenues pour un autre voyage. La Corse offre tout ce qu’il faut de sentiers caillouteux, et de reliefs tourmentés pour en faire terrain de jeu idéal pour mettre en exergue l’autre facette de cette AfricaTwin. :  Le off-road.

Touchez le point ‘G’.
            Je m’arrête. "Tiens ? Ce petit sentier à gauche… Il a l’air pas trop mal."  D’un appui sur les deux boutons carrés du tableau de bord, je désactive l’ABS arrière et passe la boite auto en mode ‘G’.  Ce fameux mode ‘Gravier’ a été conçu pour offrir une sensation de contrôle plus direct de la roue arrière. Il propose aussi plus de frein moteur.
Désactiver l’ABS à l’arrière s’avère aussi nécessaire pour des freinages type Enduro. Le contrôle de traction sera placé en niveau 1 (le moins intrusif) pour ne pas castrer la motricité et bénéficier de suffisamment de traction en terrain meuble.

Passé ces quelques manipulations pré-requises, je me lance sur cette aguicheuse piste, non sans une certaine appréhension. Il faut dire que le poids de la moto peut impressionner pour une première vraie expérience en TT (ce qui est mon cas !). Je rentre à une allure modérée sur ce chemin de terre et de cailloux mêlés. Ne comportant pas de difficulté particulière, il m’invite à hausser l’allure. Je mets un bon coup de gaz pour jauger le comportement de la roue arrière. Celle-ci envoie une volée de gravier dans mon sillage et m’emporte un peu plus loin et un peu plus vite vers les premiers obstacles. Le Traction control en position minimal assure une bonne motricité tout en conservant des sensations de glisse et de dérive très sympa. D’emblée je suis frappé par la tenue des Dunlop Trailmax . Alors que sur route mouillée ils manquaient de feeling, en off-road ils se montrent vraiment efficaces. Et dire que ce sont des pneumatiques finalement très typée route…



La piste se fait plus accidentée. Je me mets debout sur les reposes pieds. Les bottes sont bien accrochées et le guidon haut m’évite de plier le buste pour l’attraper. Me voici paré à affronter les premières difficultés. Yallah ! Le passage se fait sans encombres et avec une facilité déconcertante. La moto est facile à guider grâce à ses pneus étroits  (90/90 à l'avant, 150/70 à l'arrière). Les suspensions souples en début de course absorbent sans rechigner les gros chocs, même dans l’axe, et le mordant des étriers radiaux,  puissant mais progressif, permet de rattraper une erreur  sans forcément déclencher l’ABS à l’avant (ce dernier s’amorçant très tard). Bien calé en position debout, je me prends au jeu des creux et des bosses qui sont bien plus présents maintenant.  Après 1h de grimpette dans le maquis je béquille, et regarde fièrement le chemin accompli.

Mais soudain je comprends :
Si j’en suis arrivé là, ce n’est pas grâce à mes talents innés d’enduriste (lol)... Mais en grande partie grâce à elle : La boite DCT.



DCT des villes, DCT des champs
            Suscitant la curiosité lors de son annonce (« Pardon ? Une boite auto ? en tout-terrain ? re Lol  »), ce choix prend aujourd’hui tout son sens. Loin d’être idiot, bien au contraire, il s’avère judicieux pour le motard peu habitué à sortir des sentiers battus mais qui rêve parfois de faire parler le Marc Coma qui sommeille en lui. Une fois posé les roues dans ce décor pas forcement habituel, il n’aura plus qu’à se concentrer sur la direction, l’accélération et la glisse. La gestion du couple et de l’embrayage se faisant d’elle-même. Le  résultat est saisissant. Il m’aura fallu à peine 10 minutes pour me sentir complètement dans mon élément. Le bras gauche n’ayant pas à manipuler l’embrayage, il encaissera de fait, bien plus facilement les chocs et la traction du guidon (merci pour lui !). Le pied gauche restera lui solidement ancré sur son support et évitera les déséquilibres possibles en jouant du sélecteur !

Noter également que la boite DCT réagit différemment selon que vous grimpez ou descendez. Non pas grâce à un ‘accéléromètre’ mais par un algorithme qui détermine l’angle de la moto en fonction de l’ouverture des gaz, de la vitesse, du régime et du rapport engagé. Assez efficace.

Le poids de la machine se fera néanmoins sentir dans certaines ornières longitudinales qui auront  tendance à aspirer la roue avant. Il faut alors délester le train directeur en transférant le poids sur l’arrière de la machine. Un effort dynamique qu’une bonne vieille boite manuelle et son levier d’embrayage fera bien mieux que n’importe quelle DCT au monde. Mais là on sera contraint d’accompagner le mouvement en dosant l’accélération. Et on le fera bien.


Dunlop TrailMax Vs Continental TKC80. Le premier surprend par sa tenue en TT. Le second grimpera partout.

Equipée des pneus à crampons Continental TKC 80, la machine propose une traction décuplée et permettra des meilleurs franchissements. Alors oui, bien sûr, on restera loin d’une machine d’enduro pure et dure mais cette Africa Twin saura passer à peu près partout, déjouant la plupart des pièges grâce à sa partie cycle bien pensée et offrant un très bon compromis entre stabilité et agilité. Les Vrais de Vrais la trouveront trop lourde, notamment avec ses 10kg supplémentaires en version DCT, mais de l’avis de mon pote belge Philippe, enduriste confirmé : En boite mécanique et en pneus crampons. : « Elle est bluffante ! »

Boite mécanique
            Après cette expérience convaincante en Off-road. Je finis la journée en troquant mon Africa Twin DCT par une version à boite mécanique. Deux cols me séparent d’Ajaccio et ils ne seront pas de trop pour me « dépoussierer » l’esprit.
De prime abord, pas de gros changement sur cette version mécanique, si ce n’est le retour d’un levier d’embrayage, d’un sélecteur au pied, et la disparition des boutons inhérents à la boite DCT. Des changements qui lui font perdre 10 kg sur la balance. Ca peut paraître peu, mais à ce niveau, chaque kilo est important.



Rien à redire sur l’agrément de cette boite mécanique qui est parfait. Le levier offre un toucher ultra-doux et les passages de rapports sont précis. En route sinueuses, cette boite offre des réponses rapides et c’est la machine qui dans sa globalité se comporte encore mieux. Déjà très joueuse et équilibrée en DCT, l’Africa Twin, délestée de sa lourde boite DCT, gagne un supplément de Tout. Une différence davantage soulignée lors d’une hausse de rythme dans les enchainements de virages fermés

Je n’ai pas encore abordé la sonorité de cette Africa Twin. Ses vocalises sont un régal pour les oreilles. Graves et profondes à bas régime, elles virent au caverneux et au métallique dès lors qu’on monte dans les tours. Un résultat que l’on doit au travail des ingénieurs qui ont conçu un silencieux à 3 chambres de tranquillisation pour un rendu unique et réjouissant.

Je rentre sur Ajaccio. Le soleil est rasant et il est temps de faire mes adieux à ma camarade de jeu. Un coup d’œil à l’ordinateur de bord m’indique une conso moyenne de 6L/100km pour la version boite manuel et 5,5L/100 pour la version DCT (les deux ayant roulé sur route et sur piste). Somme toute logique mais sensiblement supérieur aux chiffres annoncés par le constructeur (4,6L/100 en manuel;  4,58L/100 en DCT). Le réservoir, pas aussi gros qu’il en a l’air, contient 18,8 litres et offrira une autonomie d’environ 400km.

Go Anywhere.
Telle est la formule lancée par Honda pour promouvoir sa nouvelle Africa Twin.
Go Anywhere, Allez Partout.
Au terme de cet essai on peut affirmer que, oui, cette Africa Twin 2016 pourra vous emmener partout. S’il n’y avait qu’un mot pour la décrire, celui-ci serait sans hésitation : Polyvalente.
Faisant preuve d’extraordinaires capacités d’adaptation, elle s’est montrée efficace et facile dans toutes les situations rencontrées (ville, sentiers, route, cols..). Evitant la surenchère technologique, elle redonne au mot ‘Trail’ ses lettres de noblesse : Celles de machine simple conçue pour rouler loin et rouler partout.
De part ses performances limitées mais ô combien suffisantes et ses réelles aptitudes en TT, L’Africa Twin balaye d’un revers de la main la comparaison finalement contre-nature avec les BMW R1200GS (la référence) et Yamaha XTZ 1200 Super Ténéré (La challenger). La CRF1000L ira plutôt se frotter aux Tiger 800XcX, KTM 1050 Adventure et  BMW F800GS qui présentent des caractéristiques beaucoup plus similaires.
Alors ? Version DCT ou version mécanique ? Si la version DCT a prouvé son efficacité en ville et son intérêt en TT (pour les enduristes du dimanche), son surpoids pourra faire hésiter ceux qui rechercheront surtout des qualités dynamiques. Quoiqu’il en soit, chacun y trouvera un peu, voir beaucoup, de ce qu’il y cherche.

Vendue 12 999€ en version de base, l’Africa Twin sera équipée de la boite DCT pour 1 000€ de plus. On regrette cependant  que certains équipements quasi-indispensables n’aient pas fait partie du cahier des charges (béquille centrale, prise 12v, bulle réglable, jantes tubeless) et que le prix des options soit prohibitif. Mais on se consolera des finitions de très bonne facture.
Disponible en 4 coloris, l’Africa Twin a vraiment plus d’allure en version Tricolore et en Replica Rally(+300€). Sinon ca sera noir ou gris.
It's time for Africa !



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire